Fatoumata Oumar Traoré, brave femme dans l’ombre
« Le handicap ne m’empêche pas de rester positive et d’avancer dans la vie »
Il existe de braves femmes qui exercent dans l’ombre. Fatoumata Oumar Traoré en est un exemple et ne s’apitoie pas sur son sort pour s’en sortir avec son handicap. Elle se bat au quotidien et n’attend rien provenant de personne, notamment d’un homme. Selon elle, le handicap est juste une question mentale. Le Rossignol est parti à sa rencontre.
Le Rossignol : Qui est Fatoumata Oumar Traoré ?
Fatoumata Oumar Traoré : Administrateur civil, j’ai servi seize (16) ans à la Direction des finances et du matériel DFM de la Justice. Actuellement, je sers à la Direction nationale du contrôle financier auprès de la Délégation de l’Agence nationale de l’aviation civile (ANAC). J’ai une particularité qui est le handicap physique. J’ai été victime de poliomyélite à l’âge de deux ans, causée par des vaccins selon mon père. Il y a des années de cela, je lui ai posé la question à savoir comment ai-je atteint la polio alors que mes frères ainés sont « des personnes valides » ? Il m’a expliqué qu’entre les années 1971 et 1979, la France a envoyé des vaccins périmés au Mali. Et ils ont fait beaucoup de victimes. Malheureusement, bon nombre de gens ne sont pas au courant de cette histoire. Mon père était un diplomate, donc, on discutait beaucoup. Il dit être surpris de constater que j’ai contracté la poliomyélite alors que j’ai été vaccinée. Donc, il a mené des investigations. Il a su que notre génération, c’est- à- dire les enfants de 1971 -1975-1976 ont été victimes des vaccins périmés venus de la France. Nous, nous sommes une génération sacrifiée parce que quand vous prenez cette tranche d’âge, c’est la même génération. Les enfants nés avant nous n’ont pas été victimes de cette maladie et ceux après nous non plus.
On a été pris en charge par la France à la base aérienne à Bamako. Ils ont aussi créé un centre qui est l’actuelle PMI Centrale, un centre de prise en charge des enfants atteints de poliomyélite provoquée par ces vaccins. J’ai eu la chance, comme beaucoup d’autres victimes, de fréquenter ce centre pour ma rééducation et ma prise en charge scolaire. Ils ont créé un centre où on a été scolarisé et en même temps, on suivait un traitement, c’est-à-dire un centre pour la rééducation d’où j’ai fait le primaire durant trois ans avec une très bonne base de formation. Après ce centre, j’ai été inscrite dans une école publique où j’ai obtenu le Certificat d’études primaires (CEP), le Diplôme d’études fondamentales (DEF) et le baccalauréat (Bac). Après l’obtention du Bac, j’ai prématurément perdu mon père. Ma maman étant une ménagère, subitement, nous sommes tombés dans une situation un peu précaire. Il fallait que je choisisse un cycle court pour terminer tôt avec les études afin d’aider ma mère. J’ai quatre frères et je suis la seule fille.
Quelles sont les formations que vous avez eu à faire ?
Je devais faire un choix. Celui-ci a donc été porté sur l’Ecole des hautes études pratiques (EHEP), devenue aujourd’hui l’Institut universitaire de gestion (IUG). Je suis de la dernière promotion de l’EHEP. Ce choix est aussi motivé par le fait que je voulais un cycle court de deux ans pour pouvoir travailler très tôt et me prendre en charge. A la fin de mes études, j’ai réussi le concours d’intégration à la fonction publique. Après ma titularisation, je me suis inscrite à la Faculté pour faire droit public. J’ai aussi suivi des formations avec des Canadiens durant des années avant de s’envoler pour le Canada pour une formation en évaluation. Elle a été sanctionnée par un master.
J’ai beaucoup évolué avec les associations des personnes handicapées. J’étais la coordinatrice de la fondation de la chanteuse, Rokia Traoré, Fondation Passerelle et la coordinatrice de l’association Objectif Mali. C’était une association qui s’était fixée comme objectif de prendre en charge les enfants qui portent un handicap mental au Mali. C’était une première dans la sous-région. Mais malheureusement, avec les évènements de 2012, on a dû sursoir au projet.
Etes- vous mariée ?
Je suis mariée et mère d’une fille.
Quel appel avez-vous à lancer à l’endroit de la gente féminine ?
Je ne fais pas de différence entre une femme et un homme. On est tous des êtres humains et on a tous des capacités. Ce qu’un homme peut faire, une femme peut également le faire. Je veux parler de la capacité personnelle et de la volonté que l’on a dans la vie. Ce n’est pas une question de genre parce que si l’on veut parler de genre, je suis un exemple. Mais, cela ne m’empêche pas de rester positive et d’avancer dans la vie. Je disais tantôt que mon père était un intellectuel et étant sa seule fille traînant un handicap, il m’a toujours dit que je ne dois pas me lamenter sur mon sort. Ce n’est pas parce qu’on a un handicap, qu’on ne doit pas être comme tout le monde. Il m’a conseillé de montrer l’exemple de ne pas afficher ma différence du moment où je pense me prendre en pitié, les autres feront pareil. Il faut juste avoir de la personnalité pour faire comprendre aux autres que le handicap n’est pas un obstacle dans la vie. On peut avoir un handicap et réaliser tout ce qu’on souhaite dans la vie. Ce que je peux dire aux femmes, qu’elles arrêtent de faire la victime en disant que si l’homme ne fait pas cela à la maison, moi aussi je ne le ferai pas. Je ne suis pas d’accord avec ce discours dans la mesure où les deux se complètent. Pour qu’on te respecte, il faut que toi- même tu te respectes. Il faut qu’il ait du contenu dans la vie et c’est en ce moment qu’on peut prétendre mériter le respect des autres.
Mariam dite Mama Diarra