Où en sommes-nous avec son application
Pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives, l’Assemblée nationale a dé- libéré et adopté en sa séance du 12 novembre 2015 la Loi N°2015-052/ du 18 Décembre 2015. Aujourd’hui, force est reconnaitre que l’application de cette loi est confrontée à d’énorme problèmes tant au niveau de la compréhension du contenu du texte qu’au niveau de sa mise en œuvre par les maliens (autorités ou partis politique, société civile et population).
La question du genre (homme-femme) est spécifiquement mise en avant dans son Article 1er qui dit : « A l’occasion des nominations dans les Institutions de la République ou dans les différentes catégories de services publics au Mali, par décret, arrêté ou décision, la proportion de personnes de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inférieure à 30 % ». Pour M. Bakary Dena, Secrétaire général du Parti pour le développement économique et la solidarité (PDES), « la loi 052 est plutôt la concrétisation d’une volonté politique tendant à donner à la femme la place qu’elle mérite dans la société. Les femmes étant plus nombreuses démographique- ment, elles ont le droit d’occuper des postes de responsabilités autant que les hommes sinon mieux qu’eux. A dire vrai, dans la pratique démocratique, cette loi est perçue par certains comme une sorte de discrimination positive. De toutes les façons, elle est à l’avantage de la femme longtemps reléguée au second plan. » Selon lui, la loi est appliquée mais timidement. Un déséquilibre qu’il déplore jusqu’à présent dans certaines nominations. Par exemple dans le gouvernement de la Transition, au niveau du CNT, au ni- veau des postes électifs, on constate que la loi est strictement appliquée pour des raisons toutes simples : les listes sont susceptibles d’être invalidées. Comme entraves, il note simplement les pesanteurs sociales qui réduisent le nombre de femmes qualifiées pour occuper les postes nominatifs surtout le cas des femmes rurales. Alou Coulibaly, promoteur du Complexe scolaire Mafa, homme politique membre du parti URD, dira que « La loi 052 est l’aboutissement d’une longue lutte des femmes déclenchée depuis longtemps. Elle a traversé beaucoup d’étapes, d’épines et de difficultés pour en fin être adoptée le 18 décembre 2015 sous le régime défunt du président Ibrahim Keita. Elle facilite l’émancipation de la femme, de sa responsabilité face aux problèmes socio-économique, son insertion socio- politique et culturelle dans la société ». Et de noter : « Loin d’être un cadeau, elle peut être considérée comme un droit parce que les femmes ont lutté pour l’arracher ». Il reconnait que c’est une « très bonne loi dans son initiative, cependant son ap- plication rencontre beaucoup de problème sur le terrain qui sont entre autres : culturel, spirituel, académique, etc. Surtout en milieu rural où il y a, qu’à même peu de femmes intellectuelle car pendant de longue date, la scolarisation des filles est restée en marge. Souvent, lors de l’élaboration des listes de candidature pour les élections municipales et législatives, les partis sont confrontés à un problème de femmes qui aient le niveau requis pour être élue. Ce qui fait qu’en matière d’élection, elle de- vient une denrée très rare ». Aussi, faut-il rappeler, jusque-là, certains hommes pensent que c’est un crime de lèse-majesté de se laisser diriger par les femmes. A ceux-là, s’ajoute le problème conjugal. Elles peuvent égale- ment avoir le niveau, mais le mari s’y oppose. M. Aly Tounkara, enseignant-chercheur à l’Université des Lettres et des Sciences Humaine de Bamako, rappelle que la loi 052 a été soumise à la suite de différentes actions menées par des organisations et structures de femmes à partir des constats d’une faible présence des femmes dans les organes décisionnels et même exécutifs. « Au-delà de ces questions et plaidoyer, sommes-nous parvenus à l’adoption de ladite loi. Son objectif est que les deux sexes (homme-femme) soient valablement représentés dans les postes nominatif et électif », a-t-il
expliqué. Il a fait mention que la loi ne concerne pas que les femmes mais elle sous-entend aussi toutes ces per- sonnes qualifiées vulnérable (les jeunes également) même si la philosophie centrale dernière est de favorisé la présence féminine dans les instances décisionnelles que politiques. Il estime qu’il faut concevoir cette loi en tant que conducteur gagné (un droit arraché) par toutes ces organisations qui œuvrent en faveur de l’émancipation féminine et non un cadeau à fortiori un cadeau empoisonné pour qui connaissent toutes les tracasseries qui l’ont caractérisé. Il s’agit entre autres, les plaidoyers menés au- près d’un certain nombre de parlementaires en son temps, sont des raisons qui ont favorisé son adoption. Une adoption d’ailleurs personnellement salué par M. Tounkara vu la dynamique des considérations socio-culturelles vis-à-vis du statut de la femme. Aussitôt, il a reconnu que malheureusement la loi n’est pas appliquée à hauteur de souhait. L’effectivité pose de sérieux problème. Dans l’équipe gouvernementale, sur 28 membres on compte 5 femmes ; de même sur l’étendue du territoire national parmi les 128 maires on ne compte que 31 femmes ; sur les 20 préfets on a 6 ou 7 femmes, a-t-il expliqué. Notre interlocuteur trouve qu’il y a également des efforts à faire au niveau des ambassades et des consulats. Toutefois, il a rappelé que des avancés avaient été enregistrés lors des législatives, qui ont assisté au départ du président Ibrahim Keita, avec une venue massive des femmes au niveau du parlement. Même si elle a été passa- gère. Au niveau des secteurs de la défense et de la sécurité, de plus en plus de femmes occupent de postes de responsabilités. Aussi, il nous a confié avoir échangé avec quelqu’un de très proche du Premier ministre qui lui a savoir qu’à chaque Conseil de ministre, le Président de l’actuelle transition instruit le gouvernement à tenir compte de l’application effective et réelle de la Loi 052 tant dans les nominations que des désignations. Pour M. Tounkara, l’appli- cation intégrale de la Loi 052 est liée aux pesanteurs antérieures à cette loi et qui vont tomber progressivement dans le long temps ; à l’instrumentalisation de la manipulation du statut de la femme dans le contexte malien. Et face à cette résistance liée aux référentiels culturel, religieux et même économique, l’élite politique n’est pas aussi courageuse que ça.
Mariatou Coulibaly
source: L’Indicateur
