Les explications de M. Jonathan Poudiougou, administrateur territorial
Ceux qui ont l’habitude de séjourner dans d’autres pays, savent que le Mali n’est pas assez compétitif dans la sous-région en ce qui concernent assainissement. Le premier reflet de ce tableau sombre est Bamako, la capitale Malienne. Poussière, caniveaux non curés, rues et places publiques débordées d’ordures, la lutte contre l’insalubrité à Bamako peine toujours à connaitre un succès. Pour comprendre le fléau le Rossignol est allé vers les acteurs en charge de l’assainissement, notamment à la Mairie de la Commune 6 où nous nous sommes entretenus avec M. Jonathan Poudiougou, administrateur territorial, chef de service de l’assainissement et de la voirie au sein de cette municipalité. Interview !
Le Rossignol : Quelles sont les dispositions prises au niveau de la mairie pour l’assainissement de la commune 6 ?
Jonathan Poudiougou : Dans un premier temps, il faut rappeler le contexte de la création de notre service. Cela fait plus de dix ans que la mairie a créé une plateforme d’assainissement communément appelée le COGEVA (comité de gestion et de de valorisation des déchets en commune VI) . Cette plate-forme regroupe en son sein l’ensemble des acteurs intervenant dans l’assainissement notamment les GIE de l’assainissement, la chefferie traditionnelle, les organisations de la société civile, les jeunes, les femmes de la commune pour que l’on puisse travailler dans une synergie d’action. Nous avons fait ce travail sous la tutelle de la mairie durant 10 ans.
C’est tout récemment qu’il ya eu l’acquisition de deux nouveaux camions benne acquis à travers la société TOGUNA « un peu plus de 70 millions Fcfa », et la mairie sur fonds propre a acheté deux autres camions benne avec une chargeuse à près de 80 millions Fcfa. Vous voyez les efforts des autorités communales pour créer toutes ces conditions afin d’aller vers l’amélioration des conditions de vie de la population à travers des services d’assainissement, qui est de façon organisationnelle.
Le Rossignol : Durant ces dix années il y a-t-il eu de l’amélioration dans la gestion de l’assainissement dans les quartiers ?
Jonathan Poudiougou : Pour qui connait Bamako particulièrement en commune VI, je rappelle que nous avons la commune la plus peuplée et la plus vaste des 6 communes de Bamako. Si nous faisions le ratio en termes de production de déchet par concession par ménage par quartier tout de suite vous vous rendrez compte que nous produisons des milliers de déchets par jour, sans rentrer dans les chiffres.
Nous avons eu à organiser dans les quartiers des journées de salubrité qui avaient et pour objectif de responsabiliser la population elle-même à s’organiser à l’interne et identifier des sites pour qu’eux-mêmes puissent contribuer à assainir leur cadre de vie. La situation n’a pas changé comme nous le souhaitons dans la mesure où aujourd’hui notamment si nous prenons la gestion des déchets solide, la problématique majeure à laquelle nous faisons face depuis plus de dix ans, c’est l’inexistence d’un dépôt de transit. Les déchets quittent les ménages et les GIE avec lesquelles nous avons des contrats de prestation doivent acheminer les déchets au dépôt de transit. Aujourd’hui nous n’avons pas de dépôt de transit formel. D’autres diront et dans la zone aéroportuaire qu’en est-il ? En réponse nous disons que dans notre commune nous n’avons pas de dépôt de transit ce qui fait que la situation, notamment en ce qui concerne la gestion des déchets plastiques, n’a pas évolué malgré tous les efforts que nos autorités communales ont faits, il n’y a pas eu d’évolution comme on aurait souhaité.
La problématique majeure est un problème d’un dépôt de transit. Parallèlement à cela en ce qui concerne la gestion des déchets liquides, il y a eu des réalisations ces 5 dernières années, on avait un projet qui s’appelait le PGRCI (projet de gestion des risques climatiques et des inondations). Ce projet a creusé des caniveaux dans certains quartiers, avec d’autres partenaires comme ORGA Mali. Nous avons eu à réaliser des puiseurs qui sont des ouvrages tests. Les conditions dans laquelle nous vivons les partenaires sont réticents. Cependant il y a certains partenaires qui nous ont aidés à réaliser des ouvrages pour le bon conditionnement des eaux usés dans les concessions et actuellement un autre projet qui est en cours à travers la réalisation de 24 lavages puiseurs dans la commune avec le même partenaire et dans la semaine ces travaux doivent commencer.
Nous avons eu également à donner des matériels d’assainissement aux quartiers et à certains GIE et des organisations de la femme pour que tous ces acteurs puissent contribuer à aider la mairie pour que les conditions de nos populations soient vraiment améliorées. si nous pouvons parler d’amélioration je pourrais dire oui, mais ce qui constitue le dépôt de transit des déchets c’est ce qui pose problème dans l’assainissement tant dans la commune VI que dans le district de Bamako.
Le Rossignol : Au-delà de la sensibilisation, quelles sont les mesures prises par la mairie pour contrer le déversement des eaux dans les rues par la population ?
Jonathan Poudiougou : En termes d’action allant dans le sens, nous faisons toujours des sensibilisations à travers des émissions radiophoniques. Nous recevons des plaintes des population, notamment des voisins qui sont souvent des victimes des déversements anarchiques, la loi 01 interdit à toute personne de déverser les eaux usées ou autres déchets dans la rue. si nous sommes concertés, informés par la population qui en est victime, nous procédons dans un premier temps à ce que l’on appelle recevoir les plaintes, ensuite aller sensibiliser ces personnes qui font ce déversement. SI rien ne change, nous transmettons le dossier au tribunal pour que ces personnes puissent mettre fin à ce comportement. Car c’est formellement interdit toute personne qui produit des déchets que ça soit solide ou liquide la personne doit avoir les moyens de les conserver, de les conditionner au niveau de sa concession. Nous recevons des plaintes, faisons des sensibilisations au besoin il y a même la répression à travers le payement des amendes.
Le Rossignol : Quels conseils face à cet incivisme ?
Jonathan Poudiougou : Le premier conseil que nous pouvons donner à cette population, nous services techniques, nous collectivités, nous sommes pour contribuer à améliorer leur condition de vie en créant des conditions allant dans le sens de la réalisation des ouvrages. Comme vous le savez la mairie a des ressources très limitées. L’Etat a transféré l’assainissement aux collectivités malheureusement les + ressources financières manquent. On est confrontés à ces problèmes.
Nous conseillons à la population de bien vouloir nous comprendre. Malgré notre bonne foi nous sommes limités. Parallèlement à cela, la population peut beaucoup contribuer car l’assainissement est une question de comportement. Il suffit de changer de comportement un tout petit peu, il faut que la notion d’assainissement soit inculquée dans nos comportements de tous les jours. Si ces actions sont suivies, je suis sûr que nous sortirons de cette problématique quand bien même que nous n’avons pas de dépôt. Je ne cesserai de le dire, si la mairie avait des dépôts de transit dans tous les quartiers cela allait vraiment nous soulager, nous demandons à la population de comprendre et de nous aider à dénoncer les pratiques qui sont dans les quartiers par rapport à l’assainissement, mais en changeant de comportement, en ayant chacun des poubelles au niveau des concessions, en ayant des ouvrages individuels d’assainissement notamment les lavages puiseurs pour le bon conditionnement des eaux usées au niveau domiciliaire et à travers le changement de comportement qui est très important.
Le Rossignol : Avez-vous des agents de terrains pour sillonner la commune ?
Jonathan Poudiougou : Comme je le disais nous sommes très limités en ressources humaines qu’en ressources financières. Aujourd’hui nous voudrons avoir des ressources humaines et financières suffisantes pour faire face à tout cela car sans agent on ne peut pas sillonner tout le quartier, ne peut pas aller sanctionner les gens dans leur concession. Nous le faisons mais timidement compte tenu des ressources que nous disposons malheureusement.
Le Rossignole : Quel appel aux autorités ?
Jonathan Poudiougou : Je tiens à remercier nos autorités d’abord pour le transfert des compétences de l’Etat aux collectivités car l’assainissement demande une gestion de proximité, qui est un acquis nous avons plusieurs textes qui transfèrent et accompagnent les autorités communales dans les gestions de l’assainissement. Malheureusement, dans cette gestion l’Etat n’a pas transféré les ressources qu’il faut tant humaines que financières, tant que les ressources n’accompagnent pas donc on ne pourrait aller là où nous aurions dû aller, notamment dans tous les quartiers.
Je fais un appel à nos autorités pour qu’elles puissent penser aux collectivités en les aidant à créer des dépôts de transit dans les quartiers. Cela va beaucoup nous soulager. Egalement en orientant les partenaires techniques et financiers parce que nous avons un plan de planification quinquennale, que nous appelons PDSECC (programme de développement économique et sociale et culturelle). Nous avons un plan d’actions d’assainissement annuelles. Nous sommes ambitieux et organisés.
La particularité de notre commune c’est que nous nous sommes mieux organisés, nous avons des compétences, mais ce n’est pas suffisant il faut toujours l’appui de l’Etat en créant les conditions idoines pour que les déchets soient bien collectés, bien traités tant au côté ménage et qu’ils soient transmis au niveau du dépôts de transit que nous n’avons pas et c’est à travers ce cri de cœur que j’interpelle l’Etat pour qu’il puisse nous aider à créer ces conditions. Même cela n’est pas suffisant il faut des caniveaux dans les quartiers pendant l’hivernage nous connaissons des inondations car les collecteurs sont insuffisants ou non curés et même à l’après hivernage nous avons d’autres services que nous ne connaissons pas très souvent à l’insu de la mairie, ils viennent curer ces caniveaux sans que nous ne soyons au courant, il y a un sérieux problème entre les différents services de l’Etat et les collectivités même en terme d’intervention.
Le Rossignol : la Mairie intervient elle dans la gestion des espaces verts ?
Jonathan Poudiougou : Nous intervenons sur les sites des espaces verts. Il y a de cela 5 à 7 ans, on faisait des aménagements des espaces verts. Nous faisons des constats malheureusement et tristement. La situation de ces espaces est alarmante et c’est des niveaux de responsabilité. Aujourd’hui la question de décentralisation n’est pas bien comprise par les populations. Ces espaces verts qui sont là sont des espaces qui sont des propriétés de la collectivité. Souvent ces espaces sont aménagés par des privés des particuliers pendant ce temps la mairie n’est même pas informée et nous sommes souvent interpellés par les gens et les organisations qui aménagent. Nous demandons à la population de mieux collaborer avec nous. S’il y a des espaces qui doivent être aménagés ou exploités pour d’autres fins, informez la mairie, les autorités communales et nous allons agir.
Mariam dite Mama Diarra