Choguel s’apprête-t-il à trahir ses anciens compagnons de lutte ?
A entendre le procureur de la République, il n’y aura pas de justice sélective. Ce qui signifie que la justice poursuivra et les auteurs des tirs contre les manifestants des 10, 11 et 12 juillet 2020 et les personnes ayant donné l’ordre aux manifestants d’attaquer les édifices publics. Pour le moment, Choguel semble être à l’abri. Mais les autres non ! Et pourtant, il faudra que quelqu’un paye au nom du M5 RFP.
Le dossier des tueries des 10, 11 et 12 juillet 2020 s’apparente à celui de la crise post- électorale en Côte d’Ivoire en 2010. Les vainqueurs qui se sont installés au pouvoir, ont poursuivi les responsables de l’ancien régime et le président Laurent Gbagbo et son ministre Charles Blé Coudé, furent amenés devant la Cour pénale internationale pour être jugés pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. La justice ivoirienne elle-même s’est occupée de certains dossiers qu’elle a réglé à son niveau. Beaucoup se sont élevés pour dénoncer une « justice des vainqueurs » et déclarent que s’il y a guerre, c’est que deux ou plusieurs clans s’affrontent. Ce qui veut dire que chaque camp peut être accusé d’avoir per- pétré des tueries. En Côte d’Ivoire, on attend donc que la justice pour- suive également dans le camp de Alassane Dramane Ouattara. Revenant au cas malien notamment au dossier dit des tueries des 10, 11 et 12 juillet 2020, nous sommes tentés de faire le parallèle avec le cas ivoirien. Les manifestations ayant causé lesdites tueries ont été organisées par l’opposition au régime IBK regroupé dans un vaste mouvement hétéroclite appelé M5 RFP. Les responsables du M5 RFP avaient précédemment demandé une autorisation auprès
des autorités administratives pour la tenue d’un sit-in Place de l’In- dépendance. L’autorisation fut accordée sur cette base. La question qui se pose est celle de savoir comment un sit-in dont le lieu est bien déterminé (Place de l’Indépendance) peut-il se transporté à l’Assemblée nationale et dans les locaux de l’ORTM etc. ? L’Assemblée nationale a été mise à sac par les manifestants et l’ORTM prise en otage par les mêmes manifestants. Quelques heures avant la descente vers ces lieux abritant des institutions, on entend claire- ment à travers des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux le même jour, des responsables du M5 RFP se relayer à la tribune devant des manifestants surexcités, pousser la masse vers ces bâtiments administratifs. Un comportement « irresponsables » selon certains observateurs, qui a indigné plus d’un Malien quel que soit son bord politique. Tout est parti de ces « saccages » de bâtiments administratifs et autres biens publics et privés par des manifestants qui avaient promis de renverser le Président de la République et son régime. Les jours suivants furent sombres et la suite est connue de tous. La désobéissance civile déclenchée par les responsables du M5 RFP a engendré beaucoup de dégâts dont des pertes en vie humaine, des blessés et des dégâts matériels. Le chef de la FORSAT arrêté L’arrivée du porte-parole du M5 RFP, Choguel Kokalla Maiga au pouvoir avec sa nomination au poste de Premier ministre, a précipité le dossier dit des tueries des 10, 11 et 12 juillet 2020. Son gouvernement a pris la décision non
seulement d’indemniser les victimes mais de poursuivre égale – ment au pénal les auteurs de ces tueries. Ce qui est une bonne chose dans le cadre de la lutte contre l’impunité. Seulement, il y a une crainte légitime chez certains que cette lutte ne soit sélective et se transforme rapidement en règlement de comptes politiques. Les élections présidentielles pointent à l’horizon. La semaine dernière, le procureur a franchi un pas jusqu’ici inimaginable en faisant arrêter le commandant de la FORSAT, la force antiterroriste accusée d’avoir tiré sur les manifestants. Son arrestation et sa détention à la maison centrale d’arrêt a provoqué l’ire de ses collègues policiers qui ont fait une descente musclée à la prison où est détenu leur chef. La République a tremblé. « Le Commissaire divisionnaire de la police, Oumar Samaké, commandant de la Force spéciale antiterroriste (FORSAT), mis sous mandat de dépôt dans la matinée du vendredi 3 septembre 2021 dans l’affaire dite des tueries des 10, 11 et 12 juillet 2020 à Bamako a été libéré sous la pression des policiers » commentent les journaux de la place. Même si le commandant Samakè est retourné « délibérément » dans son lieu de détention, le motif de cette agitation policière est connu. Dans un communiqué largement diffusé dans les médias sociaux, les éléments de la FORSAT exigent une justice impartiale et non sélective dans ce dossier brûlant qu’est celui des tueries des 10, 11 et 12 juillet 2020 à Bamako. En termes clairs, cela veut dire « si on arrête dans nos rangs, il faudra aussi arrêter de l’autre côté » pour paraphraser leur pensée. De l’autre côté, il s’agirait des personnes qui ont donné l’ordre d’attaquer des biens publics et privés. Un des responsables du M5 RFP,
Issa Kaou Djim, avait averti dans une vidéo sur les réseaux sociaux, que s’il devrait être arrêté dans ce dossier, tous ses autres compagnons devraient également l’être pour avoir donné l’ordre aux manifestants d’attaquer des bâtiments publics. Vrais ou faux, ces propos attribués à l’ancien bras droit de l’imam Mahmoud Dicko, autorité morale du M5 RFP, cette vidéo est devenue virale sur les réseaux sociaux. Les juges apprécieront certainement. Les leaders du M5 RFP devant la justice ? D’un côté, il y a ceux qui ont tiré puis tué et blessé des manifestants. Il y a aussi ceux qui ont donné l’ordre de le faire De l’autre côté, il y a ceux qui ont donné l’ordre de se prendre à des bâtiments publics. Tous, doivent-ils répondre devant la loi ? C’est la question à l’heure actuelle et pour laquelle certains ont vite fait de donner une réponse en disant que les leaders du M5 RFP ne seront pas inquiétés tant que l’Exécutif est tenu par eux. Mais en cas de pression comme celle déjà faite par les policiers de la FORSAT qui a battu le rappel de leurs troupes pour extraire leur chef des geôles de la prison centrale, la justice et Choguel seront obligés de lâcher du lest. Autrement dit, certaines personnes du M5 RFP seront sacrifiées pour calmer la tempête qui se prépare dans ce dossier sulfureux. Ce qui est certain, ce n’est pas Choguel Kokalla Maïga, devenu Premier ministre qui se fera arrêter par la justice. Mais qui du M5 RFP ? Il appartient aux juges de dire si les FORSAT étaient dans leur rôle de protection des biens de la République ou non et si les manifestants et leurs leaders avaient respecté ou non également la loi.
Dossier à suivre !
source: le Pouce, Sinaly
