Le Musée national du Mali a abrité, samedi 20 février, la cérémonie de lancement de l’ouvrage intitulé Chanter le Baja ni : Abirè le Voyant Dogon, organisé par DigiDogon, Projet européen JPICH Digital Héritage, en collabo – ration avec des partenaires locaux dont le Musée national du Mali et l’association Ginna Dogon. Il vise à digitaliser et à vulgariser le riche patri- moine culturel dogon. Ce projet, dira Dr Ondogoli
Guindo, qui est celui de la sauvegarde, voire du « sauvetage » de la culture dogon, longtemps agressée de l’extérieur et mal- menée de l’intérieur, arrive au bon moment. Pour le modérateur de la cérémonie, non moins préfacier de l’ouvrage, il s’agit de célébrer le Génie dogon. Chanter le Baja ni : Abirè le voyant Dogon est le fruit de plus de quatre décennies de recherche menée par le Pr Walter Van Beek, en collaboration avec Atimè Do – golu Saye et Oumarou Sambo Ongoiba, professeur de linguistique et spécialiste du Jamsay. En 1977, ce chercheur et anthropologue hollandais, découvre le pays dogon et ses mystères, il se lance dans la collecte de chan – sons dont le Baja ni qui va le conduire sur les traces de Abirè Goro dont la vie et les chansons sont le sujet et l’objet de cet ou – vrage. Abirè n’est pas le précurseur du Baja ni mais
celui qui lui a donné ses lettres de noblesses. Chanté à l’occasion de cé – rémonies rituelles, funé – raires, par des hommes adultes, le Bajani est une philosophie, du point de vue de Van Beek, une façon d’appréhender la mort et de l’accepter, comme en témoigne cette phrase tirée des Épi- grammes du Baja ni « Celui qui ne connaît pas la mort, ne peut pas connaî- tre la vie : nous sommes créés par la mort. » Pour mémoire, le Baja ni n’ex- clut pas les femmes, même s’il est chanté par des hommes, et ne transmet pas de façon linéaire mais s’acquiert sous la forme d’une initiation à laquelle, seuls certains corps de métiers n’ont pas accès. S’agissant d’Abirè, les témoignages le décri- vent comme un non voyant de naissance, quelque peu bossu, mais un homme hors pair, tant par son humanisme et que par sa science de la pré – diction. Nombreuses sont ses prophéties qui se sont réalisées et continuent à se réaliser encore de nos
jours. La fraternité, la vraie fraternité thème récurrent dans les chansons d’Abire, était aussi pour lui un mode de vie. Abirè offrait un bœuf, lors des funérailles, pendant que les autres donnaient un poulet, dira Hamadoun Kassogué. La vie d’Abirè et ses chansons sont une source inépuisable d’abnégation et de sagesse. Certains des thèmes abor- dés sont aujourd’hui plus que jamais d’actualité, le vivre ensemble et la fraternité au moment où le tissu social est plus qu’entamé à certains endroits de la région qui a vu le Voyant naître, cette terre qu’il a aimée et marquée de son empreinte. Il est du devoir, de ses « héri- tiers », le peuple dogon et les autres peuples avec lesquels Abirè a vécu en bonne intelligence, de
s’inspirer de ces enseignements. Le représentant du ministre de l’Éducation nationale a donné l’assurance que des dispositions se – raient prises pour que ce livre trouve sa place dans les écoles. Mme Keïta Fatoumata Keïta, du Grand Forum du Mandé, dira, à son tour, qu’écrire un tel livre est grandiose mais lui assurer une plus grande vulgarisation est encore plus importante, elle prend l’engagement, au nom des femmes des associations culturelles du Mali de contribuer à sa vulgarisation. Les organisateurs ont remis des exemplaires aux différentes associations sœurs invitées pour l’occasion et aux universités présentes à la cérémonie.
Dédé